À l’ère d’internet, l’immédiateté est devenue la norme. L’essor incroyable des technologies électroniques a bouleversé le monde en facilitant les transports, les échanges de biens et de marchandises et la consommation de contenus et d’informations. La course contre la montre est engagée sur tous les secteurs, nous habituant ainsi à ne plus attendre pour quoi que ce soit… enfin presque ! Aujourd’hui en France, mais cela est aussi vrai dans l’écrasante majorité des pays, nous payons et attendons. Quoi au juste ? Que l’opération soit prise en compte sur nos comptes bancaires ! Pour répondre à cette problématique, un nouveau modèle fait petit à petit son chemin : le paiement en temps réel, tout simplement.
Au XXIe siècle, il est assez triste de constater que nous devons attendre quasi-systématiquement pour disposer de l’argent qui nous revient de droit. Des initiatives se multiplient partout sur la planète pour faire bouger les lignes, le tout sous la pression d’acteurs déjà en place qui se posent en sérieux concurrents des institutions bancaires. Citons un exemple très connu : PayPal. La société américaine propose, en effet, un modèle basé sur le temps réel : une transaction s’effectue, les 2 parties sont notifiées du paiement et leurs comptes impactés. De par ce principe et l’accessibilité tout terrain de son service (multi-supports), elle séduit de plus en plus bien au-delà de son marché initial du e-commerce.
Rappel sur la notion de paiement
Un paiement est le règlement par un débiteur (le payeur) d’une dette l’engageant vis-à-vis de son créancier (le payé). On parle aussi d’extinction de la dette.
NB : Un débiteur détient une dette qui est la créance du créancier.
Restons loin du débat juridique pour déterminer la nature du paiement : un fait ou un acte. Ce paiement peut être acquitté de différentes formes de façon matérialisée (espèces, chèque, titre interbancaire de paiement T.I.P., mandat postal, dation, etc.) ou de façon dématérialisée (carte bancaire, virement, prélèvement, porte-monnaie électronique, e-paiement, m-paiement, etc.). Il s’agit des fameux moyens de paiement.
L’on note aisément que le paiement par espèces fait figure d’exception puisqu’il est le seul à ne pas faire intervenir de(s) tiers lors de la transaction. Le débiteur, le créancier et le moyen de paiement se suffisent à eux-mêmes pour l’extinction de la dette.
Avec tous les autres moyens de paiement, les 2 acteurs de la transaction (débiteur et créancier) s’appuient sur un ou plusieurs tiers pour garantir et effectuer le paiement. Ils doivent ainsi posséder chacun un compte bancaire : 2 comptes, c’est-à-dire potentiellement 2 banques différentes. Le paiement fait ainsi intervenir 2 acteurs et leur banque respective qui traite, vérifie, analyse, impute les opérations au débit et au crédit, compense et procède au règlement. Selon les pays et réglementations en vigueur et les processus mis en place, cela peut prendre du temps, de 0 à 4 jours ouvrables en dates de valeur.
Directive sur les Services de Paiement
La Directive sur les Services de Paiement (DSP), mise en œuvre depuis le 1er novembre 2009, a permis une première avancée dans le domaine en posant un cadre tout en restant très loin du temps réel. Appliquée aujourd’hui dans l’Espace économique européen, elle a permis de :
- fixer la date de valeur de l’opération à une date :
- égale ou postérieure au jour du traitement de l’ordre, dans le cas d’un débit
- antérieure ou égale au jour de réception des fonds, dans le cas d’un crédit
- réduire les délais d’exécution à un maximum de 1 jour ouvrable (si la devise de l’opération n’est pas l’euro, le délai est de 4 jours ouvrables maximum).
Le paiement en temps réel (Real Time Payment ou Instant Payment)
Principes du paiement en temps réel
Le paiement en temps réel est un paiement traité instantanément de bout-en-bout, c’est-à-dire sans délai d’attente particulier. En réalité, des seuils d’attente « acceptable » peuvent être définis de l’ordre de quelques minutes. Les comptes des différentes parties sont ainsi imputés dans le cadre de ce délai « acceptable », les mécanismes, telles que l’autorisation et les opérations de crédit/débit des comptes, s’effectuant en temps réel.
Note : La compensation multilatérale et le règlement peuvent toujours être traités en différé sans impacter/dégrader le service client. Les processus de compensation aller et retour sont légèrement modifiés car les opérations de débit/crédit auront déjà été effectuées.
Pour considérer qu’une plateforme traite des paiements en temps réel, plusieurs caractéristiques doivent être atteintes :
- la rapidité (messages échangés avec des délais d’attente « acceptable »)
- l’irrévocabilité des opérations de crédit/débit
- la garantie que les fonds ont été transférés
- la ré-utilisabilité immédiate des fonds
- la haute-disponibilité (24h/24 et 7j/7)
L’exemple le plus évident est le paiement en espèces entre un client et un commerçant. Le commerçant présente la facture correspondante aux biens souhaitant être achetés (ou déjà consommés). Le client s’acquitte de cette « dette » en versant au commerçant, de main à main, une somme en espèces. Cet argent est aussitôt réutilisable par le commerçant. Il peut en disposer sans attendre, sans délai !
Paiement électronique en temps réel
Revenons à nos paiements électroniques et décrivons-en la cinématique au travers d’un exemple : le client effectue un paiement par carte bancaire. Une demande d’autorisation est alors transmise de la banque du commerçant vers celle du porteur. Si cette dernière autorise la transaction, elle répond à la banque acquéreur et impute le compte du porteur (crédit ou débit suivant le type de l’opération). La banque du commerçant traite le message, transfère la réponse à ce dernier et impute son compte. Sinon, le refus de l’opération est transmis jusqu’au commerçant et au porteur qui en prennent acte.

Paiement en temps réel
Ainsi, toute opération est systématiquement autorisée (d’où la nécessité d’une plateforme rapide et à haute-disponibilité) et, si la réponse est positive, les comptes respectifs des 2 parties sont impactés en temps réel (ou quasi temps réel). À noter que les 2 banques procèdent ici à des avances de fonds… puisque la compensation multilatérale et le règlement sont différés dans le temps. La réintégration du processus complet de compensation dans la chaîne « temps réel » n’est pas nécessaire.
Un modèle adapté à toutes les situations ?
Prenons un exemple simple : le versement des salaires. Ce type de paiement est périodique (chaque mois) avec un montant prévisible, il est donc planifiable pour être réalisé à la date souhaitée. Nul besoin ici d’un paiement en temps réel ! Cela n’apporterait aucune valeur supplémentaire.
Autre exemple : le paiement avec une carte à débit différé. Il s’agit ici d’un choix du client (porteur de la carte) en accord avec son conseiller bancaire. Ce type d’option permet de regrouper l’ensemble des dépenses et que celles-ci soient imputées en une seule fois à une date préalablement définie. Ici, le paiement en temps réel n’est guère approprié pour le porteur mais peut avoir un sens pour le commerçant.
Plus globalement, une prise de recul est ainsi nécessaire pour déterminer, au cas par cas, les marchés et types de paiement pour lesquels un changement serait bénéfique. Objectifs différents, moyens différents : l’adoption du temps réel n’est pas évidente partout.
Les plateformes Real Time Payment en fort développement
De plus en plus évoqué, ce modèle s’inscrit dans l’ère du temps et surtout, techniquement, plus rien ne justifie un quelconque délai d’attente. Nous ne l’avons pas évoqué dans ce billet mais des systèmes de paiement en temps réel existent déjà ou sont en cours de création un peu partout dans le monde (exemples récents avec l’Australie et l’Union européenne). Nous y reviendrons dans un article dédié à un état des lieux des initiatives dans le monde. Cette révolution de velours sera à coup sûr une évidence dans la décennie à venir. Le paiement en temps réel : présent et avenir.