Entrée en vigueur du choix du réseau bancaire

Lorsque vous vous rendez chez votre commerçant préféré CB et que vous payez avec votre carte bancaire CB internationale (Visa ou MasterCard), le réseau français (CB) est automatiquement sélectionné. Depuis le jeudi 9 juin 2016, il en est autrement. Vous avez désormais la possibilité de choisir de payer avec le réseau international plutôt que le réseau domestique.

Et pourtant, la presse est restée plutôt discrète à ce sujet et côté banque, aucune communication. Aussi, le porteur peu averti risque de rester coi devant le terminal de paiement (TPE) lui demandant de choisir entre le réseau CB ou le réseau international. Cela ne risque-t-il donc pas de rallonger les files d’attente ? Quel réseau faut-il choisir ? Quels sont les impacts ? Pour connaître les réponses à ces questions et plus encore, lisez la suite.

Contexte

Dans le cadre de la directive sur les services de paiement (DSP) dessinant un cadre juridique pour la mise en place d’un marché européen unique pour les paiements, les instances européennes ont adopté un règlement permettant aux porteurs et commerçants de tirer un meilleur profit du marché intérieur. L’entrée en vigueur dudit règlement respectera les 3 jalons suivants :

09/06/2015 : interdiction des règles d’influence (le commerçant pourra réserver un traitement plus ou moins favorable à un paiement adossé à un réseau plutôt qu’à un autre, etc.)

09/12/2015 : plafonnement des commissions multilatérales d’interchange, etc.

09/06/2016 : autorisation d’accepter certaines cartes, choix du réseau d’acceptation, etc.

Ainsi, depuis le 9 juin 2016, le commerçant peut choisir de ne pas accepter certains réseaux bancaires, comme aux États-Unis. Quant au porteur, il pourra privilégier un réseau plutôt qu’un autre au moment de régler son achat ; c’est de ce point que le billet traitera.

Note : pour être plus précis, le commerçant indiquera un réseau bancaire par défaut une fois pour toute et si le porteur le souhaite, il pourra en choisir un autre au moment de payer.

Dans un premier temps, les conséquences seront visibles uniquement sur les canaux suivants :

  1. paiement de proximité en mode contact (pour plus de détail, vous pouvez cliquer ici ou ) ;
  2. paiement de proximité en mode sans-contact ;
  3. vente à distance sur Internet.

Note : il existe d’autres canaux comme les retraits, les paiements par correspondance, etc. mais mis de côté pour le moment.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, récapitulons succinctement la cinématique des 3 canaux susmentionnés :

Paiement de proximité en mode contact

  1. Le commerçant définit le montant et initie la transaction
  2. Le porteur insère sa carte dans le terminal de paiement électronique (TPE)
  3. Le porteur choisit éventuellement l’option de paiement (immédiat / crédit)
  4. Le porteur tape son code confidentiel
  5. Ensuite, la carte bancaire et le TPE dialogue et aboutit éventuellement à une demande d’autorisation.

Paiement de proximité en mode sans-contact

  1. Le commerçant définit le montant et initie la transaction
  2. Le porteur pose sa carte sur le TPE.

Vente à distance sur Internet

  1. Suite à validation du panier, le porteur saisit a minima le numéro de sa carte, la date d’expiration et le cryptogramme visuel, et souvent le réseau bancaire
  2. Une demande d’autorisation est émise systématiquement.

Ce qui va changer

Sur Internet, le choix du réseau est déjà possible et appartient exclusivement au porteur. Pour le sans-contact, le choix du réseau n’est pour le moment pas possible. D’ailleurs cela serait totalement contraire à son esprit puisque l’on perdrait en rapidité. Pour la suite, nous parlerons donc uniquement du paiement de proximité en mode contact.

Jusqu’au 9 juin 2016, une transaction effectuée à l’aide d’une carte CB internationale (Visa ou MasterCard) chez un commerçant français était automatiquement véhiculée via le réseau domestique (CB), sans que le porteur ou le commerçant n’aient leur mot à dire.

Le schéma ci-dessous montre les différentes étapes réalisées avant l’entrée en vigueur du règlement.

Cinématique avant application du règlement

Cinématique avant application du règlement

Note : la compensation suivra le même réseau que l’application sélectionnée (ici CB).

Avec l’application de ce règlement, le porteur aura maintenant la possibilité de choisir son réseau d’acceptation. En insérant sa carte, il pourra donc choisir entre :

  • CB ou Visa s’il dispose d’une carte CB Visa ;
  • CB ou MasterCard s’il dispose d’une carte CB MasterCard.
Cinématique après application du règlement

Cinématique après application du règlement

Note : la compensation suivra le même réseau que l’application sélectionnée (ici Visa).

Si cela semble une bonne chose au premier abord, cela risque de susciter l’étonnement des porteurs au moment fatidique. Pis encore, la question « vaut-il mieux sélectionner CB ou Visa ou MasterCard ? », n’admet pas de bonne réponse ; en restant dans des considérations monétiques.

Pour le porteur, cela ne change strictement rien ; vous paierez a priori le même prix et repartirez avec votre produit. En revanche, il en est autrement pour le commerçant puisque son acquéreur lui appliquera une commission commerçant selon le réseau sélectionné. Et ce, même si le plafonnement des commissions d’interchange (CMI) est identique entre les 3 réseaux ; la commission commerçant étant décorrélée de la CMI. Et si le commerçant peut faire un choix par défaut, notons que c’est bien au porteur que revient le dernier mot.

Plusieurs cinématiques sont offertes au commerçant, mais dans la plupart des cas, le porteur devra appuyer sur la touche correction du TPE au moment de taper son code confidentiel. À ce moment, il pourra choisir un réseau différent de celui sélectionné par défaut par le commerçant. Cette solution a le mérite de :

  • ne rien changer pour le porteur non averti ou qui ne lit pas ce blog ;
  • offrir la possibilité au commerçant d’indiquer sa préférence pour le réseau le plus intéressant financièrement pour lui ;
  • offrir la possibilité au porteur informé de sélectionner son réseau.

Mise en place

Plusieurs constructeurs ont mis à jour leur logiciel TPE en respectant le Bulletin CB n°17 et ont reçu la certification par PayCert depuis quelques mois déjà. Les acquéreurs sont donc prêts à pousser une mise à jour dans les TPE des accepteurs. Pour autant, il faudra encore attendre avant plusieurs mois d’avoir la possibilité de choisir le réseau d’acceptation.

Techniquement, la mise à jour se fera par téléparamétrage du TPE et se fera donc progressivement. D’ici la fin d’année, une bonne partie du parc des TPE devrait avoir migré et il faudra compter environ 18 mois pour voir la totalité du parc à jour.

Quelles conséquences ?

Les conséquences de l’ouverture du marché sont multiples. En premier lieu et parce que la manipulation pour sélectionner le réseau va se savoir via les réseaux sociaux quand bien même cela prendra du temps, les porteurs choisiront au final le réseau de leur choix. Et il y a de fortes chances qu’il choisissent le réseau international plutôt que le réseau français. En effet, à prix égal, nous avons tendance à choisir la marque la plus connue.

Petit à petit, les commerçants pratiqueront des prix différents selon les réseaux afin d’inciter un porteur à sélectionner un réseau plutôt qu’un autre. Ils pourront même aller jusqu’à refuser un ou plusieurs réseaux, même si cela reste peu probable sous peine d’exclure une partie de leur clientèle. Ces différences de prix seront principalement fonction de la commission commerçant exigée par l’acquéreur. Dès lors, les acquéreurs vont-ils rendre les commissions plus intéressantes pour les transactions issues des réseaux internationaux afin d’accroître les parts de marchés de Visa et MasterCard en Europe et empocher les 4,7 milliards d’euros promis par Visa Inc conditionnés par les résultats financiers suite à son rachat de Visa Europe ? Réponse dans 4 ans.

Le conseil du blog

Pour ma part, il me semble important de privilégier le réseau CB. Non qu’on soit chauviniste, mais depuis le rachat de Visa Europe et MasterCard Europe par leur société mère américaine, les données issues des flux des réseaux internationaux sortiront de l’Europe et ne feront donc plus l’objet d’une protection européenne. De plus, donner trop de pouvoir aux réseaux américains peut affaiblir, voire faire disparaître les systèmes de paiement nationaux et in fine nous rendre encore plus dépendants des États-Unis.

La très probable baisse de l’activité des réseaux nationaux suite à la volonté des réseaux américains de pénétrer le continent européen et la mise en vigueur de ce règlement aura-t-elle donc raison des systèmes de paiement européens ? Les instances européennes vont-elles laisser faire ou, au contraire, interviendront-elles encore pour protéger le marché, voire même relancer le réseau Monnet ? Affaire à suivre.

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12 commentaires pour Entrée en vigueur du choix du réseau bancaire

  1. Arnaud dit :

    Merci pour cet article qui explique très bien la situation.

    Je partage votre conclusion !

  2. Francois dit :

    La presse économique en a parlé (Les Echos, Capital).
    Un risque identifié est que certains commerçant on désormais le droit de refuser les cartes affaires qui on un plafonnement des commissions plus élevés que les cartes personnelles.

    • Kévin dit :

      Bonjour François,
      Tout à fait ! C’est grâce aux Echos et Capital que j’ai mis « plutôt discret ». Mais sauf erreur, ce sont bien les seuls ; et encore moins dans la presse généraliste comme cela a été fait pour le plafonnement des commissions d’interchange.
      Concernant le risque, il est plus même plus général (possibilité de refus des cartes prestiges, toutes les cartes Visa, etc.). Reste à savoir, si les accepteurs les refuseront sachant qu’ils se mettront à dos une partie de leur clientèle. Il est plus probable que les « petits » commerçants rajoutent une petite taxe pour les cartes ayant des commissions plus élevées.
      Cordialement,

  3. CounterFragger dit :

    Une sacrée régression pour le consommateur, qui avait l’avantage de bénéficier jusqu’à présent d’une interopérabilité totale CB/Visa/MasterCard en France, avec la simplicité qui va avec ! Un beau bordel en perspective dans un unique but de satisfaction du lobby Visa/MasterCard. C’était si pratique le principe « CB acceptée = Visa/MasterCard acceptée », il a fallu que des crânes d’oeuf de Bruxelles viennent compliquer la vie du consommateur !

    Et que je sache, le Code de la Consommation interdit au commerçant d’appliquer des frais pour un moyen de paiement particulier.

    • Kévin dit :

      Ce n’est pas le Code de la Consommation qui interdit l’application de frais pour les moyens de paiement mais le Code Monétaire et Financier. Mais les actes législatifs émanant de l’UE ont une valeur supérieure aux lois nationales. Reste donc à voir ce que cela donnera.

      En revanche, le Code de la Consommation interdit l’obligation pour un commerçant d’accepter le triplet Visa/MasterCard/CB puisqu’assimilée à de la vente liée, quand bien même cela avantage le consommateur.
      De toutes les manières, si le commerçant ne veut pas se mettre à dos une partie de sa clientèle, il aura intérêt de choisir les 3 réseaux.

  4. Frédéric dit :

    Bonjour et merci pour cet article très instructif.

    Ce qui est tout de même difficile à comprendre, c’est que cela soit le porteur qui a le dernier mot alors qu’à priori cela ne change pas grand chose pour lui.
    Et sur un paiement en ligne, les choix CB, VISA et MASTERCARD étant proposés. Il est fort probable que le porteur sélectionne sa marque par réflexe juste car le logo est présent sur sa carte.

    • Kévin dit :

      Bonjour Frédéric,

      Merci pour votre commentaire.
      Le législateur a considéré que le porteur, cotisant pour sa carte et donc payant les deux marques (CB/Visa ou CB/MasterCard), avait le droit de choix sur la marque, au moment de régler son achat. Ce qui n’est pas totalement aberrant lorsque l’on compare avec des faits de la vie.
      Les deux logos sont présents sur la carte du porteur. Je pense qu’il choisira la marque américaine qui est plus connue pour le commun des mortels.

      Cdlt,
      Kévin

  5. Johann dit :

    Bonjour,

    bien que j’ai une légère connaissance du sujet, je n’ai pas encore remarqué la possibilité de choisir mon scheme sur un TPE physique lors d’un paiement. Je serais encore plus attentif, mais ca veut dire que pour le commun des mortels, visiblement, le réseau utilisé sera celui par défaut.

    Votre conclusion incite à choisir CB. Mais les cartes haut de gamme (gold / premier / etc…) sont assorties d’assurance utiles sur certains achats… mais uniquement si on utilise le réseau VISA ou MASTERCARD, non ? Si on utilise le réseau CB, conserve t’on les avantages d’une GOLD ou PREMIER ?
    Si ce n’est pas le cas, le choix laissé au porteur est une vraie avancée (bien qu’il faille encore connaitre et avoir le réflexe de choisir le bon réseau…). Et si c’est le cas, cela va t’il perdurer avec cette possibilité de choix de réseau ?

    • Kévin dit :

      Bonjour Johann,
      Effectivement, la migration semble être très lente… Je n’ai pas eu plus de chance que vous.
      L’application de l’assurance carte n’est pas conditionnée au réseau utilisé. Dès lors que vous payez avec la carte, que le réseau soit CB ou Visa/Mastercard, vous en bénéficiez. L’assurance ne devrait donc pas être un critère de choix du réseau.
      Kévin

      • Johann dit :

        Merci pour votre réponse. Dans ce cas et tant que cela fonctionne comme cela, effectivement, autant choisir le CB… ce qui de toute façon devrait rester le cas par défaut, donc je ne pense pas que la révolution va avoir lieu 🙂

      • Nono dit :

        Pas si sûr que « la révolution n’aura pas lieu ». En effet, les commerçants pourront choisir un scheme par défaut, qui sera modifiable au cas par cas par l’utilisateur « averti ».

        On verra donc probablement certains retailers mettre en avant tel ou tel scheme (ex : Carrefour mettra probablement MCI est 1er – cf. les accords qu’ils ont pour émettre des cartes MCI-Only), et la plupart des utilisateurs ne verra rien ou ne prendra pas la peine de changer de scheme, n’y voyant aucun intérêt…
        Et ça, c’est pour la proximité.

        En VAD, ce sera probablement encore pire : par habitude, les utilisateurs cliqueront sur le logo du scheme qui apparait sur leur carte, au recto ! (CB est à présent relégué au verso…)

      • Kévin dit :

        Bonsoir,
        Autant choisir le CB, oui si on est chauvin. Mais il y fort à parier que le porteur, s’il a le choix, choisisse Visa ou MasterCard au lieu de CB. En effet, comme le souligne Nono, le logo CB est moins visible (cela devrait changer) et enfin, Visa et MasterCard sont plus connus du grand public.

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